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jeudi 30 mai 2013

Flashball/LBD/Taser : rapport de Défenseur des Droits


OUEST-France 28 mai 2013

Police-gendarmerie. Taser et flash-ball dans le viseur du Défenseur des droits

Le Défenseur des droits a présenté mardi plusieurs propositions visant à encadrer davantage l’utilisation des Tasers et Flash-ball par les policiers et les gendarmes.

Les chiffres compilés par le Défenseur des droits font état d’une nette augmentation de l’usage du Taser en 2012, tant par la police (+26%) que par la gendarmerie (+30%).
Quant au flash-ball, son utilisation par la police ne cesse de décroître (-18 % de munitions utilisées en 2012 après -26 % en 2011), alors que celle du LBD 40X46, à plus longue portée, augmente dans des proportions très importantes (+52% de munitions utilisées en 2012 après +107 % en 2011).
Effort sur la formation
Pour le Taser, le Défenseur des droits suggère d’augmenter la durée de formation initiale, de restreindre l’usage en mode contact (à bout touchant) et d’étendre aux policiers l’interdiction d’utilisation pour des opérations de maintien de l’ordre qui vaut déjà pour les militaires de la gendarmerie.
En ce qui concerne le flash-ball (et la future munition courte portée utilisable avec le LBD 40X46), le Défenseur propose d’élargir à la région du cœur et au triangle génital les zones corporelles interdites, et recommande de renforcer le contenu de la formation des forces de l’ordre.

Le Monde 28 mai 2013

Les utilisations irrégulières des Taser et Flash-Ball dénoncées

Les Taser et les Flash-Ball ont beau être des "armes non-létales", selon leurs fabricants, ils n'en restent pas moins des armes, dont l'usage est désormais courant chez les policiers et les gendarmes. Pour la première fois, le défenseur des droits a donc décidé de consacrer un rapport général sur ces "moyens de force intermédiaire", rendu public mardi 28 mai. "Le recours à ces armes, assimilé à l'usage de la force, est soumis à une exigence de stricte nécessité et proportionnalité", rappelle le défenseur, qui est régulièrement saisi d'abus, de mauvaises utilisations et de dérapages.

La liste est édifiante, et ne relève pas toujours de dérives individuelles. Certes, ce policier qui a utilisé le Taser, pistolet à impulsion électrique, en mode contact – il a alors un effet paralysant localisé puissant – n'a pas été tout à fait franc lorsqu'il a évoqué l'"attitude hostile" de la personne qu'il souhaitait interpeller. "L'attitude hostile de la personne s'était en réalité manifestée par le fait de relever ses couvertures et de s'asseoir sur son lit", note malicieusement le rapport.
Mais, de manière plus générale, le texte dénonce le développement d'un usage de confort des Taser en mode contact pour faciliter des interpellations et des menottages. Chez les gendarmes, le nombre d'utilisations dans ce cadre est passé de 223 à 360 entre 2009 et 2012, et chez les policiers, de 161 à 229 entre 2010 et 2012. Le ministère de l'intérieur les encourage : il estime l'utilisation du Taser "moins dangereuse pour l'intégrité physique de la personne qu'une intervention physique des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie".

DES "RECOURS IRRÉGULIERS OU DISPROPORTIONNÉS"

Dans l'un des cas cités, le Taser a été utilisé par un gendarme pour permettre d'entraver les jambes d'un homme... déjà menotté et touché par trois tirs. Le tout sous le regard passif de cinq militaires et d'un policier municipal, qui auraient pu, plutôt, "contribuer à la maîtrise de la personne", note le défenseur.
Dans le cadre des interpellations, l'arme continue à être utilisée pour calmer des individus agités, sous l'influence de l'alcool ou de la drogue, alors que ces états "sont susceptibles de réduire, voire annihiler, les effets (...) ou encore de décupler l'état d'énervement de la personne qui en fait l'objet". Le défenseur insiste donc sur un "strict encadrement de l'utilisation du Taser" : "Le fait de recevoir une forte décharge d'électricité conduit à une douleur localisée très intense, ainsi qu'à un traumatisme psychologique et une atteinte à la dignité humaine."
Le défenseur dénonce également les "recours irréguliers ou disproportionnés" aux lanceurs de balles de défense – le Flash-Ball –, qui permet de "riposter instantanément à une agression", et le LBD, une "arme de neutralisation", qui réclame un tir plus cadré. Leur usage est essentiellement policier, et il augmente : 2 573 munitions tirées en 2012, contre 2 224 en 2010.
Les gendarmes le réservent aux stricts cas de légitime défense. Pas toujours très stricts, d'ailleurs : en 2011, un enfant de 9 ans a été gravement blessé à l'œil à Mayotte. Le militaire, casqué et vêtu d'un gilet pare-balles, assure qu'il voulait protéger son camarade : le jeune garçon aurait voulu jeter une pierre. Le problème, c'est qu'il est le seul à avoir vu le danger – qui ne pesait pas lourd, 24 kg pour 1,35 m.

"DOMMAGES COLLATÉRAUX"

Le principal souci des lanceurs réside dans la difficulté de les utiliser en toute sécurité. Actuellement, les policiers et les gendarmes ne doivent pas viser au-dessus des épaules, et il est demandé aux seuls policiers d'éviter le "triangle génital", et aux seuls gendarmes de ne pas tirer dans la zone du cœur. Or, ces armes sont imprécises, notamment le Flash-Ball : dans le cas de Mayotte, l'expert a constaté un écart maximal de 34 cm du point visé, pour un tir de 11 m. Le LBD, réputé plus performant, pose des problèmes récurrents de réglages.
Le défenseur essaie de grignoter, petit bout par petit bout, leurs possibilités d'emploi. Il recommande ainsi de cumuler les interdictions de visée des policiers et des gendarmes, ce qui ne laisse plus grand chose à cibler au-dessus des genoux. Il souhaite proscrire leur usage lors des manifestations, vu le risque de "dommages collatéraux", et pour sécuriser les contrôles d'identité et les contrôles routiers, "notamment en raison de la distance à laquelle se situe le porteur de l'arme des personnes contrôlées, généralement inférieure à sept mètres". Le défenseur cite, là encore, un exemple – un policier qui "trébuche" et tire "involontairement" dans la poitrine de la personne contrôlée, à deux à trois mètres de distance. Bilan : "de sévères contusions cardiaque et pulmonaire, nécessitant quinze jours d'hospitalisation, en réanimation puis en cardiologie". Le policier avait ôté, préventivement, la sécurité.
Au fond, le défenseur se montrerait plutôt favorable à une interdiction de ces armes. Mais il doit se montrer pragmatique devant le refus des policiers de les remettre en cause. Un refus qui confine parfois à la mauvaise foi. Lorsqu'un jeune homme avait perdu son œil à la suite de tirs de Flash-Ball au jugé sur des manifestants, en 2009, le ministère de l'intérieur avait refusé d'envisager des sanctions disciplinaires. Il convenait de tenir compte des "spécificités de la Seine-Saint-Denis", jugeait alors la Place Beauvau.
Laurent Borredon

Le Figaro 28 mai 2013

L'utilisation trop fréquente du Taser et du Flash-Ball dénoncée

L'utilisation du pistolet électrique ou du Flash-Ball par les policiers et les gendarmes a explosé en vingt ans. Évoquant la «gravité des dommages corporels occasionnés», le Défenseur des droits recommande de mieux encadrer le recours à ces «armes à létalité réduite».

Au cœur d'incessantes polémiques, le pistolet à impulsion électrique Taser, le Flash-Ball et le «lanceur de balles de 40» n'ont jamais autant été utilisés par les forces de l'ordre engagées sur le front de la criminalité. Dans un rapport décapant sur l'utilisation de ces «armes à létalité réduite», aussi appelées «moyens de force intermédiaires», le Défenseur des droits révèle mardi que le Taser X26 a été utilisé à 970 reprises en 2012 par les unités en opération. Cette arme, sorte de harpon électrique qui propulse deux dards d'acier délivrant une décharge de 50.000 volts à faible ampérage pendant cinq secondes, est particulièrement prisée par la gendarmerie.
«Plus de 25.000 militaires sont habilités à l'usage du Taser, pour plus de 3000 armes en dotation», note le rapport qui précise que les gendarmes ont tiré l'année dernière à 619 reprises «en mode tir et contact, pour un total de 480 situations opérationnelles». De leur côté, les 4083 policiers qui se partagent quelque 1647 pistolets Taser ont tiré à 351 fois dans la même période.

Réduire l'utilisation du Taser

Si le Taser X 26 peut être dégainé en «cas de légitime défense et d'état de nécessité, ainsi que pour interpeller des personnes en cas de crime ou délit flagrant», le Défense des droits rappelle son «interdiction d'usage lors des opérations de maintien de l'ordre». En clair, pas question d'«électriser» les émeutiers lors d'épisodes de violences urbaines. Plus troublant, le Défenseur des droits préconise en outre une édifiante série de recommandations visant à réduire l'utilisation du Taser X26. L'instance de contrôle emmené par Dominique Baudis préconise notamment d'«éviter l'utilisation du Taser X26 en mode contact autant que possible», d'«encadrer très strictement cet usage lors du menottage» ou encore d'interdite «l'usage des Taser X26 non munis du dispositif d'enregistrement audio et vidéo». Ce qui sous-entend en creux que de tels dérapages ont cours, alors que le pistolet a été vendu par ses promoteurs comme «l'arme antibavure» par excellence.
En janvier dernier, un automobiliste a été brûlé lors de son interpellation sur l'autoroute A13, dans l'Eure, par les tirs coïncidents de Taser et d'un spray de gaz lacrymogène. Recommandant de «renforcer la prise en charge de la personne qui a fait l'objet d'un tir, notamment en se portant à son niveau pour s'assurer de son état de santé», le Défenseur des droits préconise «d'insister davantage sur les dangers de la réitération de l'usage de l'arme et la pratique de gestes de contrainte suite à l'usage de l'arme», ainsi que sur «la détection de l'état de vulnérabilité ou encore de comportement anormal des personnes».
Au chapitre du Flash-Ball Superpro et du puissant lanceur de balles à 40 mètres (LDB 40X46), le Défenseur des droits recommande aussi d'en «restreindre l'utilisation». De fait, les policiers, possesseurs de 4697 lanceurs en raison de leur engagement dans les cités «sensibles», ont en effet globalement tiré pas moins de 2573 munitions au cours de 1212 «situations opérationnelles» en 2012. Soit environ trente fois plus que les gendarmes, détenteurs de 1600 d'armes et à l'origine de 90 tirs dans la même période.
Censés notamment «dissiper un attroupement» depuis leur dotation en 1995, ces lanceurs de balles, qui ne peuvent être déclenchés à moins de sept ou dix mètres de leur cible, sont prohibés «à l'encontre du conducteur d'un véhicule en mouvement, et au-dessus de la ligne d'épaules». En raison de sa trajectoire aléatoire, plusieurs personnes ont été déjà éborgnées par des balles de Flash-Ball. Dès 2010, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait recommandé «de ne pas utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique, hors les cas très exceptionnels qu'il conviendrait de définir très strictement».

Sonner le glas du Flash-Ball

Les experts avaient alors observé «l'irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables qu'ils occasionnent». Soucieux à son tour d'«étendre et de cumuler les zones corporelles interdites de tir», de «préciser les distances maximales d'utilisation» ou encore d'«encadrer très strictement le recours au Flash-Ball lors de contrôles routiers et d'identité», le Défenseur des droits va même jusqu'à s'interroger sur «le maintien de cette arme en dotation, son imprécision rendant inutiles les conseils et interdictions d'utilisation théorique».
D'ores et déjà, selon le Défenseur des droits, une nouvelle «munition de défense à courte portée», plus fiable et utilisable avec l'actuel lanceur de balles de 40, pourrait sonner le glas du très contesté Flash-Ball.
En décembre 2010, après un tir de la BAC qui a coûté la vie à un forcené à Marseille, la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) s'est fendue, en mai, d'une note à ses directeurs départementaux pour rappeler la proscription de viser «au niveau du visage ou de la tête». Saisi au même moment du cas d'un lycéen gravement blessé à l'œil par un tir lors d'une manifestation en 2010 à Montreuil, le Défenseur des droits était parti en croisade contre le Flash-Ball, reprochant déjà au ministère de l'Intérieur de ne pas respecter ses propres prescriptions en termes de formation et d'habilitation des policiers.