libellés

vendredi 20 avril 2012

En Espagne : stop bales de goma

Flashball à la catalane

L’utilisation du Flashball n’est pas un monopole de la police française. Nicola Tanno, un étudiant italien de 25 ans résidant à Barcelone en sait quelque chose. Le 9 juillet 2010, alors qu’il était descendu dans la rue pour participer aux célébrations de la victoire espagnole en Coupe du Monde, il fut victime d’une bavure policière. Les agents ne respectèrent pas la distance minimum imposée par le protocole d’utilisation des balles en caoutchouc et Nicola perdit l’oeil droit.

Avec l’aide d’autres victimes et d’organisations locales, il a créé l’association “Stop balles en caoutchouc” afin d’en obtenir l’interdiction. Les armes utilisées par la police catalane – la sécurité étant une compétence décentralisée – sont similaires au flashball. Elles ont surtout l’inconvénient d’être imprécises, les agents devant faire rebondir la balle au sol.

Face à ces critiques, l’ancien responsable de l’Intérieur au gouvernement catalan, un écosocialiste, avait commencé à étudier des méthodes alternatives de contrôle des foules. Le rapport a servi au nouveau gouvernement nationaliste-conservateur pour introduire une quarantaine de fusils GL06-LL, fabriqués par l’entreprise suisse Brügger &Thomet. Il s’agit en fait de la même arme dont dispose la police française, le LBD-40, et qui avait été introduite début 2009.

Pour la police, il n’y a pas de doute, il s’agit d’un progrès car les armes sont plus précises. Une manière finalement de reconnaître la dangerosité des balles en caoutchouc. Les syndicats policiers ont longtemps nié les accidents et défiaient les contestataires de trouver un cas de condamnation de policier pour mauvais usage de l’arme. Ils ont cependant fait évoluer leur position. David Miquel, porte-parole du Syndicat des Policiers de Catalogne, a récemment admis qu’il y avait eu des accidents mais a ajouté qu’ils diminueraient avec le nouvel armement.

Les militants de l’association Stop Balles en Caoutchouc ne sont pas d’accord. “Il est impensable que la police tire contre la population”, s’indigne Nicola Tanno. Selon eux, 23 personnes auraient perdu un oeil durant les 20 dernières années à cause de ces projectiles. La plupart d’entre eux, comme Nicola, n’étaient impliqués dans aucune action violente au moment de l’accident. Le cas le plus grave est celui de Rosa Zarra, qui est morte une semaine après qu’une balle lui ait perforé le colon.

L’association a entamé une série de rencontres avec les différents partis représentés au Parlement de Catalogne afin d’obtenir la création d’une commission qui étudierait des systèmes alternatifs de contrôle de foule. Les partis d’opposition ont déjà donné leur accord. Le parti au pouvoir, Convergence et Union, ne s’est pas encore prononcé mais le conseiller de l’Intérieur rencontrera une délégation de l’association à la fin du mois.

En attendant ces développements ainsi qu’un éventuel procès, Nicola continue d’étudier et essaye de mener une vie normale: “je ne peux pas dire que je vais bien, parce que j’ai perdu un oeil, mais la lutte m’aide à me sentir mieux”, conclue-t-il.